Page 9 - Syrie les femmes parlent
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Zoubeida • Alep
rêve d'Occident, s' amuse-t-elle. Je ne voulais pas laisser ma fa-
mille en danger ni mon pays, je ne voulais pas prendre la fuite et
abandonner les autres. Si un jour tout va bien, peut-être que j'y
songerai. » En 2014, son père a été tué par un obus à Damas et
!'École française, où enseignait sa sœur cadette, a fermé la même
année. De fait, Zoubeida se retrouvait chef de famille avec les
responsabilités qui lui incombent. Sa mère refusait les colis d'aide
d'urgence : « D'autres en ont plus besoin que nous », disait-elle.
Pour rester, elles ont vendu les bijoux, cassé leur épargne, renoncé
à certaines ressources:« J'ai prêté un appartement qu'auparavant
je louais. Avec la guerre, la vie est devenue plus chère, il a fallu
plus travailler et renoncer à beaucoup d'activités alors qu'avant
l'on avait beaucoup d'espoir, de foi en l'avenir.»
Zoubeida esquisse un geste de lassitude : « Depuis quelque
temps je commence à désespérer, maintenant, on a du mal à voir
l'avenir. Beaucoup d'enfants ont abandonné leurs études, vous
savez. On a mis en place des classes à double niveau où ils font
deux années en une, notamment depuis la libération d'Alep. Mais
les étudiants d'Idleb, actuellement, sont empêchés par les terro-
ristes de venir passer le bac. » Selon elle, reconstruire les pierres
et les cerveaux s'avère la tâche principale qui a pour corollaire la
réforme de l'enseignement, une remise en question de la place
de la religion et la manière de l'enseigner à l'école publique. Elle
précise que la Syrie ne peut plus revenir sur les acquis de la guerre,
notamment la liberté d'expression arrivée avec Bachar Al-Assad,
sauf, dit-elle, si la critique porte sur l'État ou le président. Elle
attend impatiemment que l'université renoue ses échanges avec
l'Europe, que reprennent les relations académiques avec d'autres
pays. Si 10 % des entreprises ont repris leur activité, elle se de-
mande quand la Syrie recouvrera son pétrole, son blé, son coton
dont son pays a été spolié par les différents belligérants de cette
guerre, et même si elle retrouvera la dynamique qui, en 2012, lui
prédisait la première place parmi les destinations touristiques éli-
tistes. «J'aimerais tant voir Alep reconstruite, les touristes revenir.
Quand le train circulera à nouveau, les usines rouvriront, la paix
et la sécurité seront revenues. »
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