Page 7 - Syrie les femmes parlent
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Zoubeida • Alep


          1.Alep



          1 Zoubeida


          Zoubeida  a  le  regard  direct,  toute  sa  personne  est  directe  :  le
          sourire,  l'attitude,  la  tenue vestimentaire.  Elle  est  vice-doyenne
          de l'Université d'Alep. Elle n'a jamais quitté son poste - et n'en a
          même pas eu l'idée. J'avais fait sa connaissance à l'automne 201 7,
          lors  de  la  rencontre  à  l'université  d'Alep  d'une délégation  fran-
          çaise  d'entrepreneurs  et  d'intellectuels  avec  le  corps  professoral
          et  les  étudiants.  Zoubeida est  parfaitement  francophone,  elle  a
          traduit en arabe Gide, Genêt. Elle donne des cours de théâtre en
          français  au centre culturel que l'ONG SOS chrétiens d'Orient a
          ouvert dès 2017 en plein cœur d'Azizieh à Alep. C'est dans cette
          maison à  l'architecture traditionnelle que  nous  nous  retrouvons
          pour évoquer les années passées dans l'enfer d'Alep.  Notre entre-
          tien se déroule avec pour arrière-fond des rires, des interpellations
          d'enfants  et  des  arabesques  au  violon  en  ce  jour d'examen  de
          fin  d'année,  tandis que les  parents patientent en  bavardant dans
          la  petite  cour.  Le  centre  est  une  véritable  ruche  où se  côtoient
          dans  le  travail  des  Syriens,  des  Français,  salariés  et  volontaires.
          Dans le bureau spartiate du directeur du centre, autour d'un café,
          Zoubeida me raconte « sa » résistance :

             « La femme syrienne a toujours été épanouie. Avant la guerre,
          elle  n'avait  pas  besoin  de  revendiquer  l'égalité.  Elle  a  le  même
          salaire que son homologue masculin. Elle peut être architecte, in-
          génieure, cheffe d'entreprise et même juge, elle a toujours occupé
          les mêmes postes que les hommes. Pendant la guerre, nous avons
          poursuivi  toutes  nos  activités,  nous  avons  seulement  renoncé  à
          sortir. J'ai  immédiatement pensé que j'avais  un rôle  à jouer au-
          près  des  étudiants.  Déjà  en 2012,  des  étudiants  venaient  de  la
          région d'Idleb - l'ancienne route passe à la frontière turque - et
          vandalisaient, détruisaient des voitures. Les gardes de l'université
          comme les  policiers,  bien  qu'armés,  n'avaient pas  le  droit de ri-
          poster sinon de les arrêter. En 2013, ils ont commencé à occuper
          le quartier Saladin puis les quartiers Est où étaient concentrés les

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