Page 12 - Syrie les femmes parlent
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SYRIE  I LES FEMMES PARLENT



           jour et  nuit.  « Un puits doté de vingt-quatre robinets  »,  précise
           Denise avec fierté.  Puis,  se  mit en place la noria des Suzuki,  ces
           petites  camionnettes  chargées  de  citernes,  pour  distribuer  l'eau
           aux particuliers.

              Alors  que  les  écoles,  sur  décision  gouvernementale,  accueil-
           laient, dès la fin de 2012 jusqu'à la fin de 2015, les familles, majo-
           ritairement musulmanes, venues des quartiers Est, occupés par les
           terroristes,  les  associations  chrétiennes emmenaient chaque jour,
           depuis Azizieh,  les  enfants déplacés  au Jardin  public. Toutes ces
           initiatives voyaient le jour sans aide financière publique, seulement
           avec les fonds propres des particuliers et l'aide de leurs proches.


              Le  couple  n'a  jamais  songé  à quitter Alep  :  « On a  vu  que
           beaucoup  de  gens  avaient  besoin  d'aide,  on  ne  pouvait  pas  les
           laisser pour seulement penser à nous. On a vécu avec les histoires
           de chacun. On a créé une grande cuisine pour que chaque groupe
           qui travaillait avec nous pût en profiter.» Denise part dans un éclat
           de rire en se remémorant:« Comme nous n'avions pas d'assiettes
           jetables,  nous  mettions  sur la  table  un grand  plat  unique  pour
           nourrir tous les  enfants et les  adolescents - surcout musulmans,
           vous savez - que nous envoyaient les  associations d'aide aux dé-
           placés. » Pour Denise, nourrie des évangiles, le quotidien devenait
           incarnation de la Parole, selon la première phrase du prologue de
           Saint Jean : « Et la parole a été faite  chair,  et elle a habité parmi
           nous, pleine de grâce et de vérité.  » « Nous nous nourrissions du
           mets de Dieu. »

              Comme  sa  fille  nous  apportait  des  ghraybeh2,  nous  nous
           sommes levées et avons fait quelques pas au milieu des sculptures
           de bois, sous les rangées de lustres en fer forgé suspendus à des fils,
           réalisés  par leurs étudiants.  Mon interrogation sur la présence et
           l'action d'ONG étrangères l'agace:« Il y en a un certain nombre
           qui sont venues  en Syrie,  oui.  Mais  leur  argent  n'était  pas  pour
           la population. Les gens d'Alep ont proposé des projets pour leur
           proche avenir.  Par exemple,  en  2016,  une association  souhaitait

           2  Sablés fondants syriens.

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