Page 13 - Syrie les femmes parlent
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Denise • Alep



           un financement de physiothérapie pour les  personnes âgées.  Les
           fonds qui lui ont été attribués suffisaient à peine à une séance men-
           suelle pour une durée de trois mois.  Quand je monte un dossier,
           je suis obligée de gonfler les chiffres, et quand nous voyons arriver
           les  représentants de ces  ONG, ce  n'est pas  pour reconstruire les
           maisons, du moins les financer, mais c'est pour des séances photo
           parmi les déplacés auxquels ils ne serreront même pas la main! »

              L'embargo  aggrave  la  précarité  de  l'après-guerre.  «  Les  ter-
           roristes  payaient  les  gens,  les  gens  ont besoin  d'argent,  martèle
           Denise.  Nous  avons  vendu  nos  tableaux  pour  payer  un  salaire
           décent  aux  jeunes  gens  qui  travaillaient  avec  nous.  Le  gouver-
           nement doit augmenter les  salaires  : Imaginez,  un  ingénieur est
           payé  35 000  LS3.  » Il  devrait  également,  à son  avis,  favoriser  la
           mise en valeur du savoir-faire syrien et faciliter la distribution et
           la  diffusion  de  ses  articles.  Et les  vendre  avant  même de  passer
           commande, fût-elle d'État, sans hésiter à solliciter des fonds  par-
           ticuliers, car qui va payer la reconstruction des  maisons des plus
           pauvres ? « Les gens, répète-t-elle, sont fatigués de la guerre. Mais
           comment recréer les conditions de l'indépendance économique ?
           Les  enfants  qui  ont grandi  pendant  la  guerre,  ajoute-t-elle,  ne
           connaissent que les  colis des  ONG, ça encourage les  gens à être
           paresseux. »

              Tandis que nous faisons le  tour des différents ateliers, le soleil
           s'est frayé un chemin au travers de la frondaison. Ibrahim, le colla-
           borateur du couple, dessine au pinceau sur un panneau de bois un
           entrelacs d'arabesques. Denise m'entraîne vers le petit bâtiment en
           dur qui sert à entreposer et exposer les œuvres issues des sessions
           de formation. Je m'arrête devant les médaillons de bois recouverts
           d'un verset soit de la Bible soit du Coran qui enjoignent la  paix
           ou l'amour. « Dieu a beaucoup travaillé dans notre guerre, glisse
           Denise. Il y a eu des miracles, il  y a eu beaucoup de baptêmes, et
           beaucoup, particulièrement chez les Kurdes, ont vu le Christ. »
              Et, indéniablement, c'est dans le Christ que Denise puise la vi-
           talité de son enseignement comme le courage de son« parler-vrai».

           3  Trente-cinq euros.

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