Page 6 - La courbe douce de la grenade

Bien entendu, dans l'exemple des accords d'Évian, où
la note de l'amour ? Sa nuance ? Sa présence ? On ne
pouvait pas plus la découvrir dans la volonté outrée des
dirigeants du FLN, qui ne respiraient que haine et mé­
pris, et pas plus encore dans celle des négociateurs fran­
çais, qui transpiraient la hâte d'en finir avec cette histoire,
pourtant celle de deux peuples qui, on ne peut que le
constater, avaient en commun bien plus qu'il n'est dit.
Mais chut ! Des morts ont, au bord du lac Léman, enterré
des morts. Un jour, quand les successeurs des occupants
qui nous avaient précédé auront à leur tour dû céder la
place - les scandales de leur tyrannie finiront bien par
ouvrir les yeux de tous - alors viendra le temps où nous
verront mûrir les fruits de tout cet amour qui n'aura pas
été dispensé en vain.
Oui, l'Amour peut être le fondement d'une politique
vraiment humaine : à la vérité, le fondement premier, qui
vient avant même celui de la Justice. Ainsi, l'on devrait,
avant de mettre en chantier une loi, quelle qu'elle soit, se
poser la question : qu'en pense l'amour ?
d
Je ne puis penser en effet que ce qui a été vécu si for­
tement par des millions d'hommes et de femmes en Al­
gérie et jusqu'aux derniers jours, puisse ne pas fructifier
dans les catacombes du souvenir et se dévoiler un jour en
une moisson magnifique. Il faut avoir la patience
d'attendre que les tourmenteurs d'hier, aujourd'hui tou­
jours à la tête d'un pouvoir conquis en assassinant par
dizaines de milliers leurs frères de sang, aient enfin quitté
la scène, ce qu'ils ne manqueront pas de faire un jour.
Dominique Daguet

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