Page 11 - La courbe douce de la grenade
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Les sandales blanches
L'ombre joue sur les murs blancs adoucis par le
filtre de la toile bayadère. Danse allégorique des
contes mille fois déjà chuchotés pour amener
l'enfant au sommeil. Les yeux attentifs dansent
aussi, à la poursuite de l'ombre. Puis les mains en
trent dans le mouvement, devenues ombres à leur
tour. L'enfant regarde ce ballet d'ombres, souffle
suspendu.
Très vieille, elle dira encore la lumière orangée,
le silence habité de la chambre des vacances, et en
core le ressac de la mer, quelques mètres plus loin,
qui la berce, la baigne, la nourrit.
La chambre est vide. Sans le moindre bruit,
l'enfant se hausse sur la barre du lit. Un dernier
regard au girafon - tu m'attends, dis, je reviens
bientôt -, elle enjambe le lit, enfile ses sandales
blanches, ses premières sandales. Doucement, très
doucement, un regard ici, un regard là, elle a fran
chi la porte, la voilà engagée dans le grand couloir.
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