Page 13 - La courbe douce de la grenade
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Lentement, elle la contourne. D'abord un doigt
hésitant, puis la main entière, confiante, caresse
l'instrument, du plus haut qu'elle peut jusqu'en
bas. Et les timbres que l'enfant a entendus la veille,
qu'elle a enfouis au fond d'elle comme on le fait
d'un trésor dans le sable, l'enveloppent de nou
veau, l'emportent sur l'estrade, dans la salle à man
ger, puis dehors. C'est une mouette qui joue avec
les courants, ses pieds volent sur le sable chaud, ses
bras tournoient comme elle l'a vu faire quelques
jours plus tôt par des danseuses de folklore au théâ
tre de verdure.
Tourne, vole petite fille, tourbillonne le cerf-
volant que plus rien ne retient Elle est tous les sons
à la fois : contrebasse, piano, trompette, et toutes les
couleurs du soleil, et ses pieds font rejaillir l'écume.
Le sel du bonheur dessèche ses lèvres. " Dites, Ma
dame, vous n'avez pas vu une petite fille, une toute
petite fille avec des sandales blanches, oh c'est ter
rible, nous avons perdu notre petite fille. Mon Dieu,
faites que je retrouve ma petite fille ". De loin, le
père l'aperçoit qui rebondit, balle multicolore des
plages, et rassure la mère. L'enfant par-dessus les
vagues, bras au vent, lève bien haut ses nouvelles
sandales blanches.
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