Page 15 - Les jours suffisent a son emerveillement
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L’autobus se contracte et s’étire. C’est un immense reptile qui
         avale ses proies matin et soir sans le temps de la digestion. Un
         spasme du saurien les projette l’un contre l’autre. H lui prend
         la main et l’entraîne au fond où se libèrent deux places assises.
         Us se font face. Leurs mains ne se sont pas lâchées. Une cha­
         leur se niche dans l’espace entre eux. Ils desserrent l’étreinte
         mais leurs doigts ne peuvent se séparer. Us jouent ainsi avec
         les doigts, avec la paume. En fermant les yeux c’est plus in­
         tense. Us insistent sur les plis, les sillons, les creux. Et les
         coussinets, replis, gerçures, éraflures. Des abeilles bourdon­
         nent autour de chaque opercule. Les doigts arpentent la peau
         qui brûle. Ils apprennent leurs mains les yeux fermés. Sans
         mots. Sans oreilles. Les deux mains se reconnaissent. Se dé­
         lient s’effleurent. Effacent la peau. Des couleurs glissent, pas­
         sent d’un corps à l’autre.



























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