Page 8 - Les jours suffisent a son emerveillement
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Un jour elle sera grande. Le temps passera plus vite. Elle
échappera à l’épluchure des oignons, aux tomates coupées en
rondelles. Aux visites rendues à de vieilles femmes qui pi
quent. Tout de suite, elle va ramasser les œufs pondus du jour.
Elle se met à quatre pattes et rampe au fond du poulailler. Elle
aime bien l’odeur âcre de la fiente et des plumes. Elle repousse
de la main la grosse beige qui vient à contresens. La blanche
est calme et perchée, c’est sa préférée. Elle ressort avec quatre
œufs, on pourra faire une omelette. Elle tient le panier devant
elle, avec précaution. Elle le pose au pied d’une rose trémière.
Elle circule dans le jardin, respire une tomate, fait jaillir un
pois de sa cosse. Il est brillant et rond et crisse sous les dents.
Elle s’empare de toute la cosse et croque les pois un à un en
retardant le moment de déglutir le jus un peu âpre.
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