Page 5 - Le soleil sest refugie
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Lybie, Ukraine, Yémen, pour laisser le plus grand chaos der­
                rière elles.
                   Quelques mois plus tard, en août 2014, je me rends en Syrie
                avec une jeune association fondée à la suite de la prise de Maa-
                loula, qui œuvre sur le terrain auprès des chrétiens persécutés.
                Je découvre alors les villes fantômes de Qousayr, Homs. Les
                maisons des quartiers chrétiens ont été incendiées pour em­
                pêcher tout retour, une bombe a été placée dans la cathédrale
                de Homs. Je visite les écoles, les dispensaires, méthodiquement
                saccagés. Certains furent en partie occupés par les différentes
                milices islamistes. À l’intérieur, sur les murs, la signature d’Al
                Nosra et parfois: «Nous égorgerons tous les chrétiens». Je
                marche sur des amas de pierres, de ruines. Maaloula n’est plus
                que décombres, gravats : 8000 bombes sont tombées sur le site ;
                cependant quelques familles sont de retour. La vie s’acharne à
                reprendre, partout où villes et villages sont libérés par l’armée
                arabe syrienne bien que les trains ne circulent plus depuis 2012.
                À Damas où nous logeons, la volonté de vivre est là aussi un
                acte de résistance.
                   Et notre présence est à la fois compagnonnage et promesse
                de témoignage : « Si vous, Français, avez le courage de braver
                les dangers pour venir prier avec nous, comment pourrions-
                nous nous enfuir?». Le canon tonne toute la nuit. Le jour, les
                Damascènes affrontent avec le sourire et la plus grande dignité
                le risque de périr sous les obus de mortier et parfois les tâches
                de sang sont de l’instant qui précède et maculent trottoirs et
                murs. Sur les murs s’affichent le sourire des « martyrs », jeunes
                ou vieux, civils ou militaires, étudiants, enfants, artisans, jour­
                nalistes, chrétiens ou musulmans, druzes ou alaouites mais
                avant tout Syriens. C’est à Damas, en déambulant aux côtés de
                Sofia, notre jeune guide, que j’ai appréhendé la fragilité d’un
                peuple, d’une civilisation. Qui veut-on tuer ? Que veut-on faire
                disparaître qui dérange « notre » modernité ?





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