Page 8 - Copeaux de saisons
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Cette approche sensible, ce besoin de communion avec les
éléments, ce corps à corps avec la nature sont heureusement familiers
à beaucoup d’entre nous. Ce qui l’est moins, c’est notre aptitude à
transmettre, à faire apprécier à d’autres ce que nous ressentons, par le
pouvoir des mots.
Le poète est celui qui voit mieux que les autres — ou autre
ment ? — et qui éprouve le besoin de donner à voir. Il brosse le pay
sage avec ses mots, il nous fait entendre ce que le vent « raconte », ce
que les oiseaux chantent. Il nous communique son ici et maintenant
pour qu’à notre tour nous touchions du doigt ce qui a suscité son
intérêt face à l’exceptionnel débusqué dans le quotidien. Il nomme
d’abord pour lui-même et la force de ses mots est telle, sa conviction
si grande que le lecteur peut ensuite les faire siens. Initié par les mots
du poète, le lecteur s’initie à son tour et capte ses propres images,
avec les mots d’un autre.
C’est cet échange si particulier à travers une langue qu’on
s’approprie à pas comptés qui consacre et justifie le poème en train de
se faire.
Jean-François Lavallard
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