Page 8 - Syrie les femmes parlent
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SYRIE I LES FEMMES PARLENT
gens venus des villages. Ils demandaient à ceux-ci de travailler
pour eux moyennant un salaire. Pendant ce temps, les obus tom-
baient sur l'université, nous obligeant à arrêter les cours pour les
reprendre aussitôt après. On a ainsi soutenu les thèses de master
et de doctorat », dit-elle avec un mélange de fierté et d'humilité
en précisant : « C'était notre façon de résister. »
Énergie et détermination se dégagent de Zoubeida. La guerre
ne l'a pas fait mollir.« Ceux qui étaient musulmans, poursuit-elle,
refusent l'islam après ce qu'ils ont vu, même ceux qui ont vécu
avec les terroristes; ils ont été trompés. J'aide une vieille femme
de quatre-vingt-deux ans dans ce cas qui me disait : 'Ils ont com-
mencé par distribuer du pain, moi, comme j'étais vieille et seule,
je n'avais droit à rien, je regardais ces gens, ils avaient tout ce
qu'ils voulaient à manger, nous mourions de faim. Alors j'ai pris
le drapeau syrien et le portrait du président et j'ai manifesté toute
seule'. »
Une petite tête rousse passe par la porte, à la recherche d'un
marqueur Velleda, se trompant visiblement de bureau. « Voyez-
vous, les femmes syriennes sont fortes. Je connais des femmes
qui, pendant toute la durée de la guerre, ont travaillé avec des as-
sociations, ont préparé les repas pour les familles déplacées qu'on
avait logées dans les écoles, qui ont collecté des dons. Des femmes
m'ont confié: 'Ils sont très gentils ces gens [les chrétiens], ils nous
ont donné à manger.' Vous savez, à la libération, on a découvert
des stocks alimentaires et des médicaments dont était privée la
population. Ce que les gens, les musulmans ont expérimenté, de
quelque côté qu'ils soient, c'est le dévouement des chrétiens.»
Un jeune volontaire syrien frappe à la porte et nous propose
un café. Zoubeida poursuit : « Le quartier de Zahla Ouest est
encore occupé par les terroristes d'Al-Nosra, c'est de là qu'ils
tirent des missiles sur la population comme vous l'avez vu hier.
Des gens partent, mais 80 % des gens qui partent ou sont partis
sont ceux qui ont toujours rêvé de quitter ce pays. De la même
façon qu'il y a chez vous un rêve d'Orient, il y a chez nous un
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