« UN JOUR APRES L’AUTRE », de Anne-Lise Blanchard, Editions Henry, Parc d’activités de Campigneulles 62170 MONTREUIL SUR MER, 6 €

Les courts morceaux de proses qui se succèdent dans « Un jour après l’autre » d’Anne-Lise Blanchard peuvent être qualifiés d’instants de la vie quotidienne saisis presque sur le vif, échappés des souvenirs ou décrits d’après d’anciennes photos.

L’aspect visuel très fort de ces poèmes n’échappera donc pas au lecteur. Mais, si chaque séquence est comme une aquarelle dans laquelle dominent toutefois les contrastes – « la température est si forte que la lumière reste prisonnière de la matière. Ciel violacé. Des milliers d’oiseaux martèlent en morse le retour du solstice »-, il ne faut pas perdre de vue que ces peintures, la plupart du temps sereines, sont émaillées de remarques plus piquantes tenant au regard porté sur les autres : « Elle aime le protocole qui veut que le mensonge soit criant de vérité » ou encore, « Trois gamines à peine sorties de leur faisselle arrivent sur moi ».

Il n’y a pas de chronologie apparente dans cet ensemble de textes, dont l’unité est conférée par le thème principal qui est celui de la relation avec autrui, établie d’abord par l’observation. S’agissant plus particulièrement des relations familiales, celles-ci demeurent les plus problématiques, car fondées sur une ambigüité entre l’amour éprouvé et les nécessités de l’existence, le poids de la société exercé, par exemple sur ces « jeunes femmes tellement policées que le grain ténu de la personnalité s’estompe déjà à vingt ans ». Tout de même, la lumière s’installe peu à peu, après les premières pages, marquées à l’inverse par la solitude, ce qui est pire encore : « En-dehors de la relation, je suis ce rien ».

A ces poèmes s’intègrent également avec à-propos quelques considérations plus philosophiques dont la clarté fait mouche : « Que resterait-il de notre humanité sans la possibilité de choisir ? ».

L’écriture d’Anne-Lise Blanchard offre ainsi un bel exemple d’équilibre, porté par l’élégance des extérieurs ou de la plupart des silhouettes traversant ces pages : « On se déplace, détaché de sa trajectoire, juste dans l’infime ondulation de cette crête devant soi. Silhouette aussi énigmatique que la voilette hitckockienne, surtout quand la lumière joue avec la peau dans les ajours de la maille ».

Patrice MALTAVERNE

Pages Insulaires n°11, février 2010